agi-son

Retour sur Les Perspectives Sonores #7

Retour sur Les Perspectives Sonores #7

30 décembre 2022

[ RENCONTRES PRO ]

Les 22 et 23 novembre derniers, une centaine de professionnels se rencontraient à l'occasion de la 7ème édition des Perspectives Sonores lors des Journées Techniques du Spectacle et de l’Evénement (JTSE) et au Glazart.  

Merci aux intervenants, modérateurs, participants et à nos partenaires d’avoir nourri les débats en ouvrant de nombreuses pistes de travail très inspirantes pour la filière.

 

Les rencontres disponibles en replay

〰️ MUSIQUE ENREGISTRÉE : EST-CE LE GRAND RETOUR DE LA QUALITÉ SONORE ?

 

〰️ DÉCRET “SON” : RAPPEL RÉGLEMENTAIRE

 

〰️ DÉCRET “SON” : LES PROBLÉMATIQUES ENVIRONNEMENTALES

 

〰️ DÉCRET “SON” : LA PROBLÉMATIQUE DE LA MESURE DES NIVEAUX SONORES D’EXPOSITION DU PUBLIC

 

〰️ BASSES FRÉQUENCES ET SUR COMPRESSION : QUELS DANGERS POUR LA SANTÉ AUDITIVE ?

 

〰️ MUSIQUE LIVE : AMÉLIORER L'EXPÉRIENCE SONORE DES PUBLICS DE CONCERTS 

 

 

COMPTE-RENDU DES DEUX JOURNÉES

 

Questionner le coeur de nos métiers : le son

Les Perspectives Sonores #7 ont pour objectif d’aborder le sujet de la gestion sonore des musiques amplifiées en traitant toutes les facettes qu’elle revêt : artistique, sanitaire, environnementale, financière et technique. Ce rendez-vous annuel offre un espace de débat et de réflexion unique entre l'ensemble des parties prenantes : constructeurs de matériels, prestataires techniques, lieux de diffusion, festivals, artistes, bureaux d’étude acoustique, collectivités, institutionnels, experts et préventeurs.

 

Une première journée dédiée aux défis techniques de la nouvelle réglementation sonore…

Alors que les professionnels sont en attente de l’arrêté d’application du décret 2017-1244 qui devrait paraître d’ici janvier 2023, ils font toujours face à deux problématiques majeures : le niveau d'émergences pour les concerts de plein air et la mesure des niveaux sonores d’exposition du public en tout point accessible.

 

A l’issue des échanges, les professionnels se sont accordés sur quatre besoins urgents pour l’avenir du spectacle vivant musical :

 

Une concertation entre les parties prenantes : Bureaux d'étude acoustique (BEA), organisateurs, producteurs, prestataires technique

Jean-Paul VAN CUYCK président du GIAC : Les difficultés de réalisation d’une Etude d’Impact des Nuisances Sonores dans les festivals sont multiples pour un Bureau d'étude acoustique : parler le même langage que les sonorisateurs, comprendre les contraintes du spectacle vivant et enclencher la collaboration très en amont dès le choix des scènes. 

Des artistes aux installateurs des systèmes son en passant par les Bureaux d’étude acoustique, les collectivités accueillantes ou partenaires, les programmateurs, les administrateurs, les sonorisateurs, etc., chacun à son endroit de compétence doit intégrer le sujet pour collaborer de façon constructive. 

Une ou des méthodes à déterminer/normer pour la mise en oeuvre des niveaux sonores 

La moyenne spatio-temporelle apparaît comme la solution la plus adéquate mais pour réaliser la fonction de transfert à la console le matériel de gestion sonore doit évoluer et être normalisé, a réaffirmé Jacky LEVECQ président du Comité Scientifique d’AGI-SON.

Pour les professionnels, la mise en œuvre des valeurs limites réglementaires est complexe et sujette à diverses interprétations. Ce flou a pour conséquence d’en décourager certains quand cela ne crée pas des dissensions entre professionnels ou avec les services de l'État chargés des contrôles.

Les professionnels souhaitent que soient définies, une ou des méthodes claires et normées pour une mise en œuvre plus sereine et opposable.

 

Une montée en compétences des techniciens et des BEA  pour parvenir à :

- Une meilleure compréhension du travail du BEA pour la partie environnementale

Les prestataires techniques doivent apprendre à travailler en prenant en compte ces nouvelles problématiques environnementales a souligné Alexander JOHNSON sonorisateur de l’entreprise B-Live.

- Une maîtrise de la directivité du son

Pour David ROUSSEAU, acousticien et caleur système chez Solution 63 Hz,  la directivité du calage système son est fondamentale mais les techniciens manquent encore de formation pour la maîtriser quel que soit le système de sonorisation. 

- Une meilleure connaissance du fonctionnement des systèmes de sonorisation par les ingénieurs des Bureaux d’étude acoustique 

Sans cette base de connaissances, difficile pour les BEA d'être dans la préconisation de solutions et de travailler de concert avec les techniciens son.

- L'instauration d'une “habilitation/certification” des techniciens son pour garantir les compétences des professionnels derrière les consoles.  

Les formations sont trop disparates, ou se font sur le terrain  pour encore un grand nombre de techniciens, alors que les systèmes de sonorisation évoluent très vite, sont de plus en plus complexes et puissants. Il est nécessaire de s’assurer que les  professionnels aux manettes des systèmes de sonorisation sont compétents. Leur responsabilité est double : la qualité du show et le respect de la législation sonore. 

 

Des aides financières nécessaires pour accompagner la mise en oeuvre de la réglementation sonore

Le travail mené sur le son nous a coûté 50 000 euros supplémentaires pour les 3 scènes du festival sans aucune aide financière complémentaire à ce jour, a souhaité rappeler Nicolas LEGENDRE, directeur technique du festival Marsatac (Marseille).

Que ce soit pour les lieux de diffusion et plus particulièrement pour les festivals, il s’agit de convoquer de nouveaux matériels, des compétences diverses qui nécessitent des coûts importants et bouleversent les habitudes de travail. Un accompagnement financier d’ampleur est indispensable pour la mise au norme de la filière.

 

La seconde journée s’est attachée à ouvrir une réflexion plus globale sur les enjeux d’une bonne gestion sonore : impact sanitaire des basses fréquences, qualité sonore, vivre ensemble…

 

Des basses fréquences qui impactent la santé et la qualité sonore.

La conférence du Professeur Paul AVAN et de Christian HUGONNET (Semaine du son) a  mis en lumière l’impact sanitaire de la surcompression (Loudness War) dans la musique enregistrée et des basses fréquences qui se sont généralisées dans les productions musicales et dans le live ces dernières années. Le secteur manque encore de recul sur les conséquences de cette tendance et une étude épidémiologique permettrait d’identifier plus clairement les dangers pour l’audition. 

Comme l’indique le Professeur Paul AVAN : les basses fréquences dégradent la qualité sonore en masquant les plus hautes fréquences et ont à long terme un impact sur l’oreille interne.

Christian HUGONNET, président de la Semaine du Son, considère que l’artiste n’a pas conscience de cette dégradation du son pour l’audience et que le sonorisateur a un rôle à jouer dans l’abaissement des basses fréquences.

 

La place centrale de l’artiste

La seconde table ronde sur l’expérience sonore du spectateur a permis d’entendre la parole des artistes, encore trop rare, sur la gestion sonore. 

Cette question d’une bonne gestion sonore pourrait être directement portée par les artistes au moment de la contractualisation avec les lieux suggère la DJ Olympe 4000. Une approche déjà testée pour la mise en place de Safe place.

Sacha RUDY, lui-même artiste explique prendre  la mesure du manque de sensibilisation des artistes aux problèmes de gestion sonore dans les concerts.

On constate que les artistes peu informés sur la réglementation sonore et tous ces enjeux n’ont pas conscience des dangers sanitaires potentiellement encourus par leur public et des problèmes environnementaux que peuvent rencontrer les lieux ou festivals et qui sont générés par les basses ou infra basses.

Une plus grande sensibilisation des artistes s’avère pertinente : la gestion sonore ne peut être renvoyée à la responsabilité seule de la technique, la qualité de la prestation scénique en dépend et donc l’implication de l’artiste est indispensable. 

 

La cohabitation des évènements musicaux avec les riverains : un sujet qui monte depuis les confinements. 

Dernier sujet abordé lors de la 3ème table ronde, l’implantation sur le territoire qui est désormais un facteur clef pour les professionnels afin de pérenniser leur activité.

Arnaud PERRINE a ainsi pu témoigner de son expérience sur KM25, un lieu fixe de plein air avec une programmation électro et techno. Pour installer son lieu dans la durée, il lui a fallu travailler en priorité le son pour les riverains, parfois au détriment du goût du public en attente de gros son.

Le niveau d’émergences exigé pour les concerts en plein air dans la réglementation bouscule les habitudes de travail et d’écoute.

 

Nouvelles contraintes environnementales = expérimentation de nouveaux aménagements dans les festivals.

Au festival la Magnifique Society (Reims), Cédric CHEMINAUD (ex directeur de la Cartonnerie de Reims et actuel directeur adjoint du Cabaret Vert), relate l’expérience d’une nouvelle installation de la sonorisation du festival pour limiter les émergences chez les riverains : on a créé une scène électro où le festivalier peut vivre l’ambiance clubbing dans un espace délimité par un système de sonorisation multi points, dont les enceintes sont dirigées vers le sol.

Cette expérience témoigne de nouvelles approches quant à la diffusion et la présentation des œuvres au public. Bousculer les habitudes d’écoute du public peut aussi faire partie de propositions originales, innovantes et apporter à l’expérience du live une vraie plus value.

 

Réduire la gêne du voisinage, un processus qui s'anticipe sur plusieurs mois.

Béatrice DESGRANGES, directrice du festival Marsatac, s’est emparée de la problématique suite à des plaintes de riverains en amont de la dernière édition :  le festival a mené une médiation avec les riverains et travaillé sur un important dispositif pour minimiser la gêne des voisins. Cette expérimentation menée avec AGI-SON a vocation à être dupliquée. Le bilan de cet accompagnement est disponible : L’application du décret “Son” dans les festivals : l’exemple de Marsatac 

 

Des organisateurs en demande de l’appui des élus.

Angelo GOPEE directeur de Live Nation France et du Lollapalooza observe une pression plus grande des riverains sur les festivals. Nous avons besoin du soutien des élus.

Laurianne ROSSI, Conseillère municipale à Montrouge et ex présidente du Conseil national de bruit, le confirme : C’est un sujet qui monte sur les territoires. L’élu doit conjuguer les injonctions contradictoires des habitants qui ont envie d’accéder à une offre culturelle attractive et en même temps d’espaces de vie apaisés. 

Le sociologue Gérôme GUIBERT y voit deux débats : celui de la gentrification des centres-villes au détriment des lieux musicaux urbains et celui des habitants qui veulent à la fois un lieu de musique accessible mais pas près de chez eux. Il rappelle également que que certains événements cristallisent des peurs plus liées à une typologie de public plutôt qu’à une gêne liée au son généré par les concerts qui devient alors un prétexte.

 

Concilier vivre-ensemble et vitalité culturelle.

Si les professionnels du spectacle vivant musical savent aujourd’hui qu’ils doivent minimiser au maximum la gêne des riverains et faire en sorte que l'implantation du lieu ou de l’événement soit la plus harmonieuse possible, un événement de plein air restera forcément impactant pour le voisinage. Le sujet de l’impact environnemental des événements musicaux ouvre un dialogue inédit entre un grand nombre d’acteurs qui n’ont pas l’habitude d’échanger. De multiples pistes sont à explorer pour trouver un consensus acceptable par l’ensemble des parties. Le travail qu’il reste à accomplir est de grande ampleur mais l’enjeu n’est pas moindre : concilier la qualité de vie des habitants et la qualité de l’expérience sonore du spectateur.

 

Comme le souligne Romain LALEIX, directeur général délégué du CNM : Il n’a jamais été aussi compliqué d’organiser un festival. Les organisateurs ont une épée de Damoclès sur leurs événements car le Décret « Son" est d’une grande complexité. Le Centre national de la musique souhaite accompagner toute la chaîne des métiers dans sa mise en application. 



Les Perspectives Sonores #7 ont permis d’établir une feuille de route à partir de 2023.

La nouvelle législation sonore représente de nombreux défis techniques mais offre aussi l’occasion à la filière d’évoluer en abordant la gestion sonore de façon systémique pour permettre l’application de la législation sonore et progresser dans l’expérience sonore des publics et la restitution artistique des œuvres en live qui est bien la finalité de nos métiers.

  • L’innovation technologique des systèmes de sonorisation 
  • La réalisation d’études épidémiologique sur les effets des très basses fréquences sur la santé et sur l’audition 
  • La définition de méthode(s) commune(s) de mise en oeuvre des niveaux sonores pour assurer une application homogène du texte
  • Le développement de l’offre de formation face à la complexité de la nouvelle réglementation sonore
  • L’instauration d’une habilitation/certification des techniciens son
  • La création d’espaces de conciliation/médiation sur les territoires entre les différents protagonistes : lieu de diffusion ou événement, Préfecture, Mairie, riverains, agents en charge des contrôles, bureaux d’étude acoustique, responsables technique du lieu ou événement
  • Le financement de la filière sur cette mise aux normes : EINS, matériels, personnel supplémentaire, formation….
  • La contractualisation :exploitant,  producteur, diffuseur, …
  • L’harmonisation des règles en Europe et à l’international.

 

Vous souhaitez réagir aux échanges ? Connectez vous à l'espace ressource sur le Décret "Son" disponible sur AGI-SON Connect